Cet article est rédigé par Daniel Robert, Vice-président Sénior, Projets Spéciaux, et a été publié dans le magazine GESTION IMMOBILIÈRE. Pour lire l’article complet dans le magazine, vous pouvez y accéder via le lien suivant : Gestion immobilière – N°3 – septembre 2025
À l’automne 2024, Énergir publiait un article fort intéressant sur un concept qui, selon moi, va devenir de plus en plus présent au Québec : les boucles énergétiques. Ce texte s’inspire de cet article et présente des exemples de projets concrets valorisant les rejets thermiques en milieux urbains et industriels.
Dans un contexte où la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) et la valorisation des rejets thermiques pour optimiser la consommation électrique sont devenues une priorité, les boucles énergétiques apparaissent comme une solution prometteuse.
Qu’est-ce qu’une boucle énergétique?
Au sein d’un même quartier ou secteur, une boucle énergétique constitue un réseau de distribution d’énergie capable de fournir des services de chauffage et de climatisation.
Ce type de réseau nous aide à atteindre nos cibles sociétales de décarbonation à un meilleur coût, car des économies d’échelle sont réalisées sur les sources d’énergie qui permettent d’approvisionner les centrales thermiques de quartier. Les boucles énergétiques peuvent être alimentées par de la géothermie, de l’énergie solaire, de la valorisation de rejets thermiques (VRT) consistant à récupérer la chaleur excédentaire d’une entreprise exothermique pour chauffer des bâtiments voisins, ou toute autre source d’énergie renouvelable disponible. Les besoins de pointe peuvent être comblés par le gaz naturel renouvelable et pour réduire leur impact en GES, combiné à des stratégies de stockage thermique.

Il existe plusieurs exemples de réussite en matière de boucles énergétiques au Québec ainsi qu’au Canada. En voici quelques-uns :
- La centrale thermique ÉCCU (anciennement CCUM) gère aujourd’hui l’un des plus importants réseaux urbains de chauffage et de climatisation au Canada. Avec trois réseaux souterrains distincts pour l’eau chaude, la vapeur et la climatisation, ÉCCU alimente près de 2 millions de mètres carrés d’immeubles mixtes au centre-ville de Montréal. Avec une aide du gouvernement du Québec de près de 10 millions de dollars, ÉCCU produit maintenant de l’eau chaude et de la vapeur à partir de sources d’énergie renouvelables. Cet investissement permet la décarbonation d’une majeure partie du centre-ville à moindre coût puisque l’ensemble des usagers bénéficient d’économies d’échelle importantes.
- La boucle énergétique Zibi à Gatineau est un autre exemple de réseau thermique alimentant, à terme, plus de 2,4 millions de mètres carrés de bâtiments multiusages grâce aux rejets de l’usine Kruger pour le chauffage et à la proximité de la rivière des Outaouais pour les rejets durant la saison chaude.
- L’Université de Sherbrooke utilise un système de boucle énergétique dans le cadre du projet Humano District, valorisant les rejets thermiques de son centre de calcul hybride quantique. Ce système récupère la chaleur pour chauffer les bâtiments, notamment les unités résidentielles et un ancien couvent, en fonction de la saison.
- Le réseau de chauffage et refroidissement urbain de Toronto, géré par Enwave, est un système unique qui utilise l’eau froide du lac Ontario pour climatiser les bâtiments du centre-ville. Ce système puise de l’eau froide à 83 m de profondeur dans le lac Ontario, à 5 km du rivage, et a permis de réduire de 90 % la consommation d’électricité des refroidisseurs et d’économiser 714 millions de litres d’eau grâce à l’élimination des tours d’eau. Soixante-quinze immeubles du centre-ville de Toronto sont actuellement raccordés à ce système hautement performant.
- Évidemment, il existe plusieurs autres exemples ici même à Montréal : Espace Montmorency construit par Montoni et l’écoquartier du Technopôle Angus pour n’en nommer que deux.
Quels sont les principaux avantages des boucles énergétiques?
L’intérêt des boucles énergétiques est majeur pour les municipalités en zone urbaine et les utilisateurs en zone industrielle. En centralisant les systèmes de chauffage et de climatisation, elles réduisent les émissions de GES, contribuant ainsi à l’amélioration de la qualité de l’air, à l’optimisation de la consommation d’eau et à l’atteinte des objectifs de décarbonation. De plus, en minimisant les rejets de chaleur dans l’atmosphère, elles aident à atténuer les îlots de chaleur urbains, améliorant le confort des gens, particulièrement durant les périodes estivales. Enfin, ces infrastructures s’inscrivent dans la transition énergétique, soutenant l’économie durable tout en participant à l’atteinte des cibles environnementales fixées par les autorités locales, provinciales et fédérales.
Quels sont les facteurs clés de succès des boucles énergétiques?
L’un des critères essentiels à la réussite d’une boucle énergétique est la densité urbaine ou la proximité de deux entités dont les besoins énergétiques sont complémentaires, telles que des serres et une aluminerie. Effectivement, un certain volume d’énergie est requis par mètre de réseau déployé afin de rentabiliser l’infrastructure énergétique centralisée.
La réussite d’un projet de boucle repose également sur la mixité des usages au sein d’un quartier ou d’un secteur. Le fait de tirer parti des variations dans les besoins énergétiques de différents immeubles est non seulement efficace sur le plan énergétique, mais aussi avantageux économiquement : les rejets de chaleur des bâtiments et industries fournissent une énergie thermique gratuite et leur récupération donne lieu à un modèle d’économie circulaire, puisque l’extrant de l’un peut devenir l’intrant de l’autre.
Avec une planification adéquate et une volonté politique forte, le Québec a tous les atouts pour devenir un leader en matière de boucles énergétiques et de réseaux d’énergie urbains. Toutefois, pour que ces projets voient le jour, une approche intégrée avec l’ensemble des parties prenantes en amont est assurément la voie à privilégier. Les promoteurs immobiliers doivent adapter leurs pratiques de construction pour favoriser l’intégration des sources d’énergie centralisées et renouvelables afin d’améliorer la performance environnementale des projets.
Tous pour un et un pour tous!
Note : Ceux qui veulent en savoir plus sur le sujet pourront consulter le document Opportunités et réglementation favorisant le déploiement de boucles énergétiques, élaboré par le Réseau Énergie et Bâtiments. L’Alliance pour la décarbonation des bâtiments a également lancé une étude nationale sur le potentiel des boucles énergétiques; pour découvrir le projet, suivre le lien : https://buildingdecarbonization.ca/fr/boucles-energetiques/
Références :
– Article par Énergir ; https://combeq.qc.ca/2024/12/10/les-boucles-energetiques-une-solution-gagnante/
– Article de Gestion immobilière ; https://jbcmediakiosk.milibris.com/reader/b389d544-4734-4814-91ad-f8ad61c9365b?origin=%2Fgestion-immobiliere%2Fgestion-immobiliere%2Fn3-2025